Pendant longtemps, l’entonnoir de conversion a été la pierre angulaire de la pensée marketing. Avec ses étapes claires de TOFU (Top of the Funnel – Découverte ou sensibilisation), MOFU (Middle of the Funnel – Evaluation ou considération) et BOFU (Bottom of the Funnel – Décision ou achat), il offrait une vision linéaire et rassurante du parcours client. On apprenait à attirer, éduquer et finalement convertir les prospects à travers un chemin bien défini. Cependant, dans le paysage numérique actuel, où les consommateurs jonglent entre une multitude de points de contact et adoptent des comportements complexes (voir Culture Dopamine : L’Instantanéité au Cœur de la Tech), ce modèle montre ses limites.
Une autre vision du parcours client, à l’origine plutôt dédiée aux société technologiques, consiste à découper la parcours client en 5 cycles de croissance qui ne s’expérimentent pas forcément de manière linéaire (AARRR). Ce framework, aussi appelé pirate metrics, segmente l’expérience client en cinq étapes clés : Acquisition, Activation, Rétention, Recommandation et Revenu. Il permet d’optimiser chaque interaction en analysant les leviers de croissance à chaque phase du cycle de vie du client, tout en s’adaptant aux comportements parfois imprévisibles des utilisateurs.
Face à cette évolution, le Boston Consulting Group (BCG), en collaboration avec Google, a développé une approche plus pertinente pour appréhender le parcours client moderne : le modèle 4S.
Le Messy Jouney, point de départ du modèle 4S
Ce modèle s’inscrit dans la continuité du Messy Journey théorisé par Google, en offrant un cadre structurant pour comprendre et optimiser un parcours d’achat devenu plus complexe et non linéaire.Brièvement à propos du Messy Journey, il décrit le parcours client moderne comme étant désordonné et non linéaire, caractérisé par des allers-retours entre différentes plateformes et des phases d’exploration et d’évaluation. Ce concept met en lumière l’espace complexe entre le déclencheur initial et l’acte d’achat, où les consommateurs interagissent avec une abondance d’informations et un choix illimité. Ce constat dépasse d’ailleurs le simple cadre du marketing : dans tous les domaines – économique, géopolitique, politique – il devient indispensable de composer avec le chaos plutôt que de tenter de le simplifier à outrance. Le modèle 4S s’appuie sur cette réalité et propose une approche permettant non pas de maîtriser totalement ce désordre, mais d’en tirer parti pour optimiser l’engagement et la conversion des consommateurs dans un environnement incertain et mouvant.

Qu’est-ce que le Modèle 4S ?
Le modèle 4S repose sur quatre comportements fondamentaux des consommateurs : Scroll (défilement), Stream (diffusion), Search (recherche) et Shop (achat). Contrairement à la structure séquentielle de l’entonnoir, le modèle 4S reconnaît que ces comportements ne sont pas des étapes isolées mais des activités interconnectées qui se produisent tout au long du parcours client, souvent de manière simultanée.
- Scroll : Représente la consommation de contenu sur les plateformes sociales et autres flux d’informations..
- Stream : Concerne la consommation de contenu personnalisé et interactif sur des plateformes comme YouTube, les plateformes de streaming audio et vidéo, et les podcasts..
- Search : Englobe toutes les formes de recherche d’informations, qu’il s’agisse de requêtes textuelles sur les moteurs de recherche, de recherches vocales, visuelles (via des outils comme Google Lens) ou conversationnelles via l’IA.
- Shop : Désigne les activités d’achat en ligne et hors ligne.
Le Modèle 4S : Un Remplacement de l’Entonnoir TOFU-MOFU-BOFU ?
La question se pose naturellement : le modèle 4S est-il destiné à remplacer l’entonnoir de conversion traditionnel ? Les sources suggèrent une évolution plutôt qu’un remplacement pur et simple.
L’entonnoir, avec sa logique linéaire, a du mal à rendre compte de la réalité des parcours clients actuels qui sont désordonnés (« messy journey ») et caractérisés par des va-et-vient incessants entre l’exploration et l’évaluation. Le modèle 4S offre une vision plus fidèle de cette complexité en reconnaissant la fluidité des comportements et la multiplicité des points de contact.
Les cartes d’influence mentionnées par BCG s’inscrivent dans cette logique non linéaire, montrant comment les consommateurs interagissent avec les marques à travers divers canaux de manière interconnectée. L’accent n’est plus uniquement mis sur la progression linéaire à travers des étapes prédéfinies, mais sur la compréhension des comportements actifs des consommateurs à chaque instant de leur parcours.
Cependant, il est important de noter que l’entonnoir peut toujours avoir une valeur pour la formulation d’objectifs marketing. Il reste un outil conceptuel utile pour structurer les efforts marketing en termes de sensibilisation, de considération et de conversion.
Le Modèle 4S : Redéfinir l’Interaction Consommateur-Marque dans un Monde Fragmenté
Le modèle 4S, en revanche, se positionne comme un cadre plus précis pour comprendre comment les consommateurs interagissent réellement avec les marques aujourd’hui. Il met en lumière l’importance d’être présent et pertinent à travers les différents comportements de scroll, stream, search et shop, en adaptant les stratégies marketing à cette réalité fragmentée.
Implications pour les Marketeurs
L’adoption du modèle 4S implique un changement de mentalité pour les marketeurs. Ils doivent :
- Travailler sur l’ensemble du parcours client, en acceptant sa nature chaotique et en investissant dans une présence pertinente sur tous les points de contact.
- Élargir leur vision des canaux d’influence, en reconnaissant que le search ne se limite pas à un seul moteur et que la construction de la marque passe par une variété d’interactions.
- Repenser l’influence, en se concentrant sur l’attention, la pertinence et la confiance plutôt que sur la simple portée.
- Adopter une approche flexible et personnalisée, en reconnaissant la diversité des parcours clients et en adaptant les stratégies en conséquence.
- L’intelligence artificielle (IA) et l’IA générative (GenAI) jouent un rôle crucial dans cette nouvelle ère en aidant les marketeurs à identifier les parcours clés, à personnaliser les messages et à optimiser l’allocation des ressources.
Quel avenir pour le Modèle 4S ?
Si l’entonnoir de conversion TOFU-MOFU-BOFU a longtemps servi de modèle, le modèle 4S du BCG offre une représentation plus actuelle et pertinente de la complexité du parcours client moderne. Il ne s’agit pas nécessairement d’un remplacement total pour la définition des objectifs, mais plutôt d’un cadre supérieur pour comprendre les comportements des consommateurs et adapter les stratégies marketing en conséquence. En se concentrant sur le Scroll, le Stream, le Search et le Shop, les marketeurs peuvent mieux planifier pour l’influence et engager les consommateurs de manière significative dans cette nouvelle réalité non linéaire.
À l’avenir, le modèle 4S pourrait encore évoluer pour intégrer de nouvelles dynamiques d’attention et d’engagement, notamment avec l’essor de l’IA, des interfaces conversationnelles et du commerce intégré aux écosystèmes numériques. Comprendre et anticiper ces mutations sera essentiel pour affiner les stratégies et rester en phase avec des parcours clients toujours plus fluides et imprévisibles.
En savoir plus :
It’s Time for Marketers to Move Beyond the Linear Funnel | BCG
Comment influencer le « messy middle » du parcours d’achat ? (thinkwithgoogle.com)
Bienvenue dans l’ère du Global Search – La Réclame (lareclame.fr)
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